Au Chapitre 6, nous avons installé le paquet Udev. Avant d'entrer dans les détails concernant son fonctionnement, un bref historique des méthodes précédentes de gestion des périphériques est nécessaire.
Traditionnellement, les systèmes Linux utilisent une méthode de
création de périphériques statiques avec laquelle un grand nombre de
nœuds de périphériques sont créés sous /dev
(quelque fois des milliers de nœuds),
que le matériel correspondant existe ou pas. Ceci est fait
typiquement avec un script MAKEDEV, qui contient des appels au
programme mknod avec
les numéros de périphériques majeurs et mineurs pour chaque
périphérique possible qui pourrait exister dans le monde.
En utilisant la méthode udev, seuls les nœuds pour le
périphériques détectés par le noyau sont créés. Comme ces nœuds
de périphériques seront créés à chaque lancement du système, ils
seront stockés dans un système de fichiers devtmpfs
(un système de fichiers virtuel qui
réside entièrement dans la mémoire du système). Les nœuds de
périphériques ne requièrent pas beaucoup d'espace, donc la mémoire
utilisée est négligeable.
En février 2000, un nouveau système de fichiers appelé devfs
a été intégré au noyau 2.3.46 et rendu
disponible pour la série 2.4 des noyaux stables. Bien qu'il soit
présent dans les sources du noyau, cette méthode de création
dynamique des périphériques n'a jamais reçu un support
inconditionnel des développeurs du noyau.
Le principal problème de l'approche adopté par devfs
était la façon dont il gérait la
détection, la création et le nommage des périphériques. Ce dernier
problème, le nommage des périphériques, était peut-être le plus
critique. Il est généralement accepté que s'il est possible de
configurer les noms des périphériques, alors la politique de
nommage des périphériques revient à l'administrateur du système, et
du coup n'est imposée par aucun développeur en particulier. Le
système de fichiers devfs
souffre
aussi de restrictions particulières inhérentes à sa conception et
qui ne peuvent être corrigées sans une revue importante du noyau.
Il a aussi été marqué comme obsolète pendant une longue période
— à cause d'un manque de maintenance — et a
finalement été supprimé du noyau en juin 2006.
Avec le développement de la branche instable 2.5 du noyau, sortie
ensuite avec la série 2.6 des noyaux stables, un nouveau système de
fichiers virtuel appelé sysfs
est
arrivé. Le rôle de sysfs
est
d'exporter une vue de la configuration matérielle du système pour
les processus en espace utilisateur. Avec cette représentation
visible en espace utilisateur, la possibilité de voir un
remplacement de l'espace utilisateur pour devfs
est devenu beaucoup plus réaliste.
Le système de fichier sysfs
a été
brièvement mentionné ci-dessus. On pourrait se demander comment
sysfs
connaît les périphériques
présents sur un système et quels numéros de périphériques
devraient être utilisés. Les pilotes qui ont été compilés
directement dans le noyau enregistrent leurs objets avec
sysfs
(en interne, devtmpfs)
quand ils sont détectés par le noyau. Pour les pilotes compilés
en tant que modules, cet enregistrement surviendra quand le
module sera chargé. Une fois que le système de fichier
sysfs
est monté (sur /sys), les
données enregistrées par les pilotes internes avec sysfs
sont disponibles pour les processus en
espace utilisateur ainsi que pour udevd pour continuer (et faire
même des modifications aux nœuds de périphériques).
Les fichiers de périphérique sont créés par le noyau avec le
système de fichiers devtmpfs
.
Tout pilote souhaitant enregistrer un nœud de périphérique
ira dans devtmpfs
(par le
cœur du pilote) pour le faire. Quand une instance
devtmpfs
est montée sur
/dev
, le nœud de périphérique
sera créé dès le départ avec un nom, des droits et un
propriétaire figés.
Peu de temps après, le noyau enverra un uevent à udevd. À partir des règles
indiquées dans les fichiers contenus dans les répertoires
/etc/udev/rules.d
, /lib/udev/rules.d
et /run/udev/rules.d
, udevd créera les liens
symboliques supplémentaires vers le nœud de périphérique,
ou bien il modifiera ses droits, son propriétaire ou son groupe,
ou l'entrée dans la base de données interne d'udevd concernant cet objet.
Les règles de ces trois répertoires sont numérotées de la même
façon que dans le paquet LFS-Bootscripts et les trois répertoires
sont mis à jour ensemble. Si udevd ne peut pas trouver de
règles pour le périphérique qu'il crée, il en donnera la
propriété et les droits à n'importe quel devtmpfs
utilisé au départ.
Le premier script de démarrage de LFS, /etc/init.d/mountvirtfs
, va copier les
périphériques de /lib/udev/devices
vers /dev
. C'est nécessaire car
certains périphériques, certains répertoires et certains liens
symboliques sont requis avant que les processus de gestion
dynamique des périphériques ne soient disponibles au tout début
du démarrage d'un système ou car ils sont exigés par udevd lui-même. La création de
nœuds de périphériques statiques dans /lib/udev/devices
offre aussi un contournement
facile pour les périphériques qui ne sont pas supportés par
l'infrastructure de gestion dynamique des périphériques.
Le script de démarrage /etc/rc.d/init.d/udev
démarre udevd, récupère tous les
périphériques "montés à froid" ayant déjà été créés par le noyau
et attend les règles pour se terminer. Le script défait aussi le
gestionnaire d'uevent de son paramétrage par défaut /sbin/hotplug
. Cela se fait car le noyau n'a
plus besoin d'appeler de binaires externes. À la place,
udevd listera sur
une socket netlink les uevents que le noyau détecte.
Le script de démarrage /etc/rc.d/init.d/udev_retry
prend soin de ratraper les événements pour les sous-systèmes dont
les règles peuvent s'appuyer sur des systèmes de fichiers non
montés jusqu'à ce que le script mountfs ne s'exécute (en
particulier, /usr
et /var
peut causer cela). Ce script se lance
après le script mountfs, afin que les règles
(si récupérées), réussissent la deuxième fois. Il est configuré à
partir du fichier /etc/sysconfig/udev_retry
; tous les mots
de ce fichier différents de commentaires sont considérés comme
des noms de sous-systèmes pour les récupérer lors de la nouvelle
tentative. Pour trouver le sous-système d'un périphérique,
utilisez udevadm info
--attribute-walk <périphérique> où
<périphérique> est un chemin absolu dans /dev ou /sys tel
que /dev/sr0 ou /sys/class/rtc.
Il se peut que les pilotes des périphériques compilés en module
aient aussi des alias compilés. Les alias sont visibles dans la
sortie du programme modinfo et sont souvent liés
aux identifiants spécifiques du bus des périphériques supportés
par un module. Par exemple, le pilote snd-fm801 supporte les périphériques
PCI ayant l'ID fabricant 0x1319 et l'ID de périphérique 0x0801 a
aussi un alias « pci:v00001319d00000801sv*sd*bc04sc01i* ».
Pour la plupart des périphériques, le pilote du bus définit
l'alias du pilote qui gérerait le périphérique via sysfs
. Par exemple, le fichier /sys/bus/pci/devices/0000:00:0d.0/modalias
pourrait contenir la chaîne « pci:v00001319d00000801sv00001319sd00001319bc04sc01i00 ».
Il résultera des règles fournies par défaut qu'udevd fera appel à /sbin/modprobe avec le contenu
de la variable d'environnement de l'uevent MODALIAS
(qui devrait être la même que le contenu
du fichier modalias
dans sysfs),
donc chargera tous les modules dont les alias correspondent à
cette chaîne après les expansions génériques.
Dans cet exemple, cela signifie que, outre snd-fm801, le pilote obsolète (et non désiré) forte sera chargé s'il est disponible. Voir ci-dessous les moyens d'empêcher le chargement des modules indésirables.
Le noyau lui-même est aussi capable de charger des modules de protocole réseau, de support pour des systèmes de fichiers et des NLS sur demande.
Quand vous connectez un périphérique, comme un lecteur MP3 USB, le noyau reconnaît que le périphérique est maintenant connecté et génère un uevent. Cet uevent est alors géré par udevd comme décrit ci-dessus.
Il existe quelques problèmes connus pour la création automatique des nœuds de périphériques :
Udev ne chargera un module que s'il a un alias spécifique au bus
et que le pilote du bus envoie correctement les alias nécessaires
vers sysfs
. Sinon, il faut
organiser le chargement des modules par d'autres moyens. Avec
Linux-3.13.3, Udev est connu pour charger les pilotes
correctement écrits pour les périphériques INPUT, IDE, PCI, USB,
SCSI, SERIO et FireWire.
Pour déterminer si le pilote du périphérique dont vous avez
besoin a le support nécessaire pour Udev, lancez modinfo avec le nom du module
en argument. Puis, essayez de localiser le répertoire du
périphérique sous /sys/bus
et
vérifiez s'il y a un fichier modalias
.
Si le fichier modalias
existe dans
sysfs
, alors le pilote supporte
le périphérique et peut lui parler directement, mais s'il n'a pas
d'alias, c'est un bogue dans le pilote. Chargez le pilote sans
l'aide d'Udev et attendez que le problème soit corrigé plus tard.
S'il n'y a pas de fichier modalias
dans le bon répertoire sous /sys/bus
, cela signifie que les développeurs du
noyau n'ont pas encore ajouté de support modalias à ce type de
bus. Avec Linux-3.13.3, c'est le cas pour les bus ISA. Attendez
que ce problème soit réparé dans les versions ultérieures du
noyau.
Udev n'a pas du tout pour but de charger des pilotes « wrapper » (qui emballent un autre pilote) comme snd-pcm-oss et des pilotes non matériels comme loop.
Si le module « wrapper » n'améliore que la
fonctionnalité fournie par un autre module (comme snd-pcm-oss améliore la fonctionnalité
de snd-pcm en rendant les
cartes son disponibles pour les applications OSS), configurez
modprobe pour
charger le wrapper après qu'Udev ait chargé le module emballé.
Pour cela, ajoutez une ligne « softdep »
dans tous les fichiers /etc/modprobe.d/
. Par
exemple :
<filename>
.conf
softdep snd-pcm post: snd-pcm-oss
Remarquez que la commande « softdep » autorise aussi les
dépendances pre:
, ou un mélange de
pre:
et de post:
. Voir la page de manuel de modprobe.d(5)
pour plus d'informations sur la
syntaxe et les possibilités de « softdep ».
Si le module en question n'est pas un emballage et s'avère utile
en tant que tel, configurez le script de démarrage modules pour charger ce module
sur le système de démarrage. Pour cela, ajoutez le nom du module
au fichier /etc/sysconfig/modules
sur une ligne séparée. Ceci fonctionne aussi pour les modules
d'emballage, mais sans être optimal.
Ne compilez pas le module, ou mettez-le en liste noire dans un
fichier /etc/modprobe.d/blacklist.conf
comme nous
l'avons fait avec le module forte dans l'exemple ci-dessous :
blacklist forte
Les modules en liste noire peuvent toujours être chargés manuellement avec la commande explicite modprobe.
Cela se produit habituellement si une règle correspond à un périphérique de façon imprévue. Par exemple, une règle lacunaire peut correspondre à un disque SCSI (comme désiré) et au périphérique SCSI générique du même fabricant (de façon incorrecte). Trouvez la règle défectueuse et affinez-la, à l'aide de la commande udevadm info
Cela peut être une autre manifestation du problème précédent.
Sinon, et si votre règle utilise les attributs de sysfs
, il se peut que ce soit un problème de
timing du noyau, sur le point d'être corrigé dans les noyaux
ultérieurs. Pour le moment, vous pouvez contourner en créant une
règle qui attend l'attribut sysfs
utilisé et en le mettant dans le fichier /etc/udev/rules.d/10-wait_for_sysfs.rules
(créez ce fichier s'il n'existe pas). Merci d'informer la liste
de développement de LFS si vous faites ainsi et que cela vous
aide.
Le texte ci-après suppose que le pilote est compilé de manière statique dans le noyau ou qu'il est déjà chargé comme module, et que vous avez déjà vérifié qu'Udev ne crée pas de périphérique mal nommé.
Udev n'a pas besoin d'information pour créer un nœud de
périphérique si le pilote du noyau n'envoie pas ses données vers
sysfs
. C'est ce qu'il y a de plus
courant avec les pilotes tierce partie à l'extérieur de
l'arborescence du noyau. Créez un nœud de périphérique
statique dans /lib/udev/devices
avec les numéros majeurs/mineurs appropriés (voir le fichier
devices.txt
dans la documentation
du noyau ou la documentation fournie par le fabricant du pilote
tierce partie). Le nœud du périphérique statique sera copié
vers /dev
par le script de
démarrage udev.
Cela est dû au fait qu'Udev, par nature, gère les uevents et charge les modules en parallèle, donc dans un ordre imprévisible. Cela ne sera jamais « corrigé ». Vous ne devriez pas supposer que les noms des périphériques du noyau sont stables. Créez plutôt vos propres règles qui rendent les liens symboliques stables basés sur des attributs stables du périphérique, comme une série de nombre ou la sortie de divers utilitaires *_id installés par Udev. Voir la Section 7.5, « Création de liens symboliques personnalisés vers les périphériques » et la Section 7.2, « Configuration générale du réseau » pour des exemples.
Des documentations supplémentaires sont disponibles sur les sites suivants :
A Userspace Implementation of devfs
http://www.kroah.com/linux/talks/ols_2003_udev_paper/Reprint-Kroah-Hartman-OLS2003.pdf
(NdT : Une implémentation en espace utilisateur de
devfs)
The sysfs
Filesystem
http://www.kernel.org/pub/linux/kernel/people/mochel/doc/papers/ols-2005/mochel.pdf
(NdT : Le système de fichiers sysfs
)